Le CArCoB a le plaisir de vous informer que le fonds d’archives d’Isabelle Blume a été inventorié. L’inventaire est accessible via notre catalogue en ligne Pallas ou sur le lien en dessous de cet article. Cet outil permettra au lecteur de plonger à l’intérieur d’un fonds qui renferme les traces des grands combats qu’a mené Isabelle Blume (née Grégoire, le 22 mai 1892 à Baudour) tout au long de sa vie : la lutte pour les droits des femmes, pour la paix et pour la justice sociale.
D’abord militante socialiste, elle mène très tôt une lutte féministe et sociale qui la conduit à devenir responsable de toute l’action féminine du POB. Secrétaire nationale du Mouvement des femmes socialistes dès 1928, elle mène une action quotidienne en faveur de la Femme (malgré l’hostilité du POB à l’égalité politique des femmes) en écrivant notamment de nombreux articles au sein de la Voix des Femmes et de La Femme prévoyante (qui fusionneront en 1936). Son action sociale a un grand rayonnement : membre de divers comités et conseils, elle milite pour le bien-être de la famille et pour un enseignement de qualité. Cette activité est illustrée par la correspondance qu’elle entretient avec le Groupement belge de la Porte Ouverte, la Ligue de l’Enseignement et, plus tard, par son investissement au sein au sein du Conseil supérieur de la Famille et du Comité national contre l’alcoolisme.
Elue à la Chambre en 1936, elle appelle, la même année, les femmes socialistes à rejoindre le Rassemblement Universel pour la Paix, dans lequel elle s’engage activement en organisant, entre autres, le congrès international de Bruxelles, en septembre 1936. Trois ans auparavant, elle co-organisait déjà la Conférence mondiale des Femmes contre la guerre et le fascisme à Paris, en concertation avec des militantes belges.
Le tableau ne peut pas être complet si l’on ne mentionne pas également les préoccupations pacifistes et internationalistes dont elle a fait montre tout au long de sa carrière politique. En 1936, la guerre civile éclate en Espagne. Profondément touchée par les conséquences de cette guerre, elle déploie une intense activité afin de promouvoir la solidarité avec l’Espagne républicaine et fustiger la non-intervention du gouvernement belge. Elle organise également l’accueil des enfants espagnols en Belgique. Dix ans plus tard, elle s’intéresse également à la question israélienne et se prononce notamment en faveur de l’Etat d’Israël – ce qu’elle regrettera plus tard, comme l’illustre sa correspondance.
En dépit des tensions qui se font ressentir au sein du POB à son égard, surtout en raison de ses positions trop proches du Parti communiste sur les questions internationales, Isabelle Blume participe en novembre 1950 au IIe Congrès international des Partisans de la Paix, à Varsovie, à l’issue duquel est créé le Conseil Mondial de la Paix – qui la coopte en février 1951. Sa présence à ce Congrès et sa proximité avec les tribunes communistes sont la goutte de trop pour les dirigeants socialistes, qui décident de l’exclure en avril 1951.
Malgré son exclusion, Isabelle Blume reste présente à la Chambre en tant que députée indépendante jusque 1954. Ses contacts avec Henri de Man au sein du POB, lui valent d’être interviewée en 1971 par Michel Brélaz de l’Université de Genève, qui réalise un colloque sur la vie de l’ex-président du POB.
Si elle ne rejoint pas le Parti communiste alors, elle s’investit toutefois dans diverses organisations qui lui sont proches, telles que les Amitiés belgo-polonaises et belgo-soviétiques.
De 1951 à 1975, sa vie se confond avec le CMP dont elle est la Présidente coordinatrice dès 1964, nous livrant ainsi de riches informations sur l’organisation et les réunions du CMP et nous apportant un éclairage sur les questions internationales. Son action au sein du Comité lui permet d’établir des contacts dans le monde entier, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique latine, comme en témoigne l’abondante correspondance qu’elle a conservée. Citons, par exemple, la lettre qu’elle adresse en 1969 à Pablo Picasso, à l’occasion des 20 ans du CMP, dans laquelle elle lui demande de bien vouloir dessiner une nouvelle colombe pour le logo de l’organisation.
En 1951, elle rejoint également l’Union Belge pour la Défense de la Paix (UBDP), filiale du CMP, et en devient la Présidente nationale en 1967, lorsque le mouvement se structure fédéralement (l’UBDP a pour pendant néerlandophone le BUVV, qui devient Vrede dès 1972).
Après avoir siégé comme députée indépendante durant trois ans, Isabelle Blume tente de réintégrer le PSB en 1959, pensant qu’une lutte commune pour les idées qu’elle défend est redevenue possible. Devant le refus du Parti et se sentant « dépaysée, hors de la vie » depuis qu’elle n’est plus au Parlement, elle décide de se présenter dernière sur la liste législative du Borinage en 1961, afin de retrouver sa place dans la politique belge. Si elle attend plusieurs années avant d’adhérer au Parti communiste, c’est, dit-elle, pour ne pas « enlever aux idées que je défendais (…) le poids qu’elles avaient par elles-mêmes ».
En 1964, elle intègre finalement le Parti Communiste Belge et est élue au Comité Central, aux côtés de son fils Jean. De son activité au sein du PCB, elle nous lègue des documents relatifs à la préparation des Congrès nationaux, aux résolutions prises, mais également quelques travaux qu’elle élabore pour le Comité Central. Elue, en 1964, comme conseillère communale à Hornu, elle prend à cœur les questions économiques et sociales du Borinage (charbonnages, sidérurgie), comme en témoignent les dossiers documentaires qu’elle constitue et sa correspondance. Durant son mandat, qui prend fin en 1971, elle tient la population au courant de l’activité des conseils communaux et des élus communistes en rédigeant plusieurs articles (dont elle a conservé les brouillons) destinés à paraître dans des périodiques de la mouvance communiste.
D’ailleurs, durant sa riche et longue carrière, elle a rédigé de très nombreux manuscrits portant sur des sujets très variés, inévitablement liés aux grands combats sociaux, internationalistes, pacifistes et féministes qu’elle a menés.
Isabelle Blume, personnalité au caractère marquant et à l’énergie débordante a, par l’action incessante qu’elle a menée, marquer d’innombrables personnes. Nombreux furent ceux qui, lors de la célébration de son 80ème anniversaire, ou, lors de ses obsèques, en mars 1975, lui rendirent de vibrants hommages.
Elodie Bardi, étudiante stagiaire de l’UCLouvain