Histoires du PCB

DOMINIQUE, Philippe, Fanny Beznos ou la passion révolutionnaire, Paris, L’Harmattan, 2014.

Fanny Beznos, juive bessarabienne, arrivée à Paris en 1913 à l’âge de six ans, intégrée par l’école républicaine, devenue dactylo à 16 ans car l’argent manque dans la famille, n’est qu’une étrangère que son adhésion à 20 ans aux Jeunesses communistes met en danger. La Belgique est sa terre d’expulsion, elle s’y intègre cependant par sa militance immédiate. Cela lui vaudra de connaître le petit jeu (qui n’a rien de ludique) des expulsions répétées, des clandestinités assumées. Jusqu’au jour où le maire communiste de la ville d’Halluin la marie avec Fernand Jacquemotte, lui offrant ainsi la nationalité belge. Un mariage politique qui évoluera. Fernand Jacquemotte, poète d’avant garde à Paris, devient cadre international des Amis de l’URSS, notamment en Espagne où elle l’accompagne.
En dix ans, assumant diverses responsabilités, à proximité immédiate de la direction du PCB, Fanny Jacquemotte va forger ce halo qui la distingue entre toutes et l’inscrit durablement dans la mémoire de toutes les militantes de l’époque. Victime de la clandestinité encore mal assurée des débuts de la résistance du PCB, elle « tombe » en octobre 1941. Elle avait, par la grâce des autorités belges, connu une première déportation au camp de Gurs à l’été 1940. Ravensbrück, où elle réconforte ses compagnes, puis Auschwitz marqueront les étapes finales de son destin. Nous connaissions de Fanny les grandes lignes de son parcours. Mais voici qu’un neveu de Fanny, déporté de France à Auschwitz à 15 ans ainsi qu’une soeur qui vécut à Paris jusqu’à tout récemment, nous sont révélés et inspirent et documentent l’auteur de ce travail. Fanny fut liée au groupe de la Révolution surréaliste et publia dans sa revue. Breton l’évoque dans un roman. L’ouvrage nous présente aussi le cocon familial, et notamment la forte identité juive de sa famille, que Fanny a très peu importée sinon - et ceci pose question - qu’elle s’inscrit au registre des Juifs en décembre 1940 ! Arrêtée comme communiste belge, Fanny disparaîtra dans la solution finale.
Lié manifestement par une forte empathie à son sujet, Dominique Philippe garde cependant la distance et déroule le trajet complet de cette révolutionnaire du XXème siècle. Sa reconstitution minutieuse offre des clés de compréhension de l’engagement militant communiste dans ce siècle. C’est par ces parcours militants que peut se comprendre pourquoi le communisme est apparu pour une partie de cette jeunesse des années ’30 comme le chemin de l’émancipation, rêve généreux alimenté par la brutalité des rapports de classes, le statut de paria « offert » aux étrangers, la violence du fascisme telle qu’appréhendée personnellement par Fanny en Espagne. Il a raison de constater que sa vie « ne sera qu’une série de rendez-vous avec la violence d’État ».
Aujourd’hui que l’histoire du communisme n’apparaît pour les maîtres du penser correct que sous la forme d’une suite inintelligible de crimes, il est courageux voire téméraire de livrer à l’édition non pas un panégyrique, mais la vie d’une militante dont la réalité vécue offre un sérieux contrepoint à cette vision unilatérale, donc biaisée.

 

José Gotovitch

 

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